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On aurait dit une femme couchée sur le dos

Corine Jamar

Le Castor Astral

  • Conseillé par
    25 octobre 2014

    Cet enfant qui ne veut pas venir, c'est le narrateur, qui attend que Samira soit en paix avec ceux qu'elle est persuadée avoir trahis et avec elle-même. C'est lui qui raconte l'histoire de ses parents et des gens qui l'entourent, ce qui, au début est un peu déroutant, parce que l'on peut se perdre dans les personnages qui, en plus d'être nombreux sont nommés par leurs prénoms certes, mais aussi parfois par la future fonction qu'ils exerceront auprès du narrateur (père, mère, oncle, grand-père, ...) ; si l'on ajoute des flashbacks pas forcément clairement annoncés -mais on les repère en avançant dans le paragraphe-, on est dans un ouvrage qui demande un peu d'attention ; l'auteure demande un réel effort à ses lecteurs pour ne pas se perdre dans les tours et détours de son histoire. Et puis, le pli pris, on se dit que finalement, c'est pas mal une auteure qui se dit que les lecteurs sont intelligents (surtout quand on a réussi à s'y retrouver, sinon, on doit se dire qu'elle est trop compliquée) ! Je vous conseille donc de prendre un peu de temps à lire les premières pages, de ne pas les passer trop vite, pour pouvoir bien se repérer et apprécier à sa juste valeur cet ouvrage.

    Corine Jamar dresse un beau portrait de Samira, cette femme particulièrement aimable avec la clientèle, toujours prête à rendre service, une femme forte aux yeux de tous qui fait tourner le restaurant. Mais Samira est avant tout une femme qui doute. D'elle, de la force de l'amour d'Eleftheris -sa jalousie n'en est que plus forte-, de l'amitié, de sa capacité à enfanter, de tout. Coupable de trahison, elle vit les épreuves qui suivent comme des sortes de réparations du mal qu'elle a commis. Malgré l'amitié qui la lie à Walter le vieux chef opérateur de Zorba le Grec, venu finir sa vie en Crète, malgré la reconnaissance par son travail apprécié de tous -la cantine ne désemplit plus-, malgré l'amour d'Eleftheris, Samira n'est pas en paix.

    Au début du bouquin, j'avais un peu peur, ça me paraissait confus comme je le disais plus haut, et puis, les charmes de l'écriture et de la Crète sont venus et ne m'ont pas quitté jusqu'au bout, jusqu'à l'ultime phrase, simple et qui sonne comme la fin d'un conte philosophique, vous savez comme la célèbre "il faut cultiver son jardin", comme une philosophie de vie : "C'est drôle comme souvent dans la vie, on obtient ce qu'on veut au moment où ça nous occupe moins l'esprit, au moment où -comme aurait dit Claudie avec ses mots de psy- on lâche enfin prise." (p.212) Entre les deux, Corine Jamar donne à aimer ou au moins à découvrir la Crète, c'en est presque une incitation à y aller illico, mais attention, pas dans ces grands hôtels détestables dans lesquels on ne voit rien du pays et qui ont détruit une partie de la beauté des sites, non, chez les autochtones, les écouter parler de leurs pays, de leurs traditions. Elle parle beaucoup de la nature, de la mer, des montagnes, de la forte relation des Crétois avec leur environnement naturel : "C'est étrange, cette différence qu'il y a entre l'homme et la nature. Même quand la nature fait du mal aux hommes, que la mer les engloutit dans une tempête, que les arbres frappés par la foudre les écrasent, que la montagne les précipite dans un ravin, même quand elle se met en colère, la nature reste belle, et pas l'homme. La laideur qui déforme les traits du visage haineux du meurtrier est peut-être la punition que lui infligent les dieux. Une marque d'infamie." (p.101) Je rebondis sur cet extrait, parce que l'autre grand thème de ce livre est l'omniprésence des dieux grecs anciens qui guident les personnages ou expliquent les faits. Alors rassurez-vous rien de totalement mythologique là-dedans, j'avoue mon inculture crasse en la matière -et oui, encore une lacune, je vais finir (si ce n'est pas déjà fait) par passer pour un véritable crétin- si Corine Jamar invoque le nom des dieux, elle explique toujours leurs rôles et comment ils viennent en aide aujourd'hui à Samira et aux autres. Zorba est aussi un apport important : malgré la difficulté l’échec, il chante et il danse le sirtaki -d'ailleurs saviez-vous que cette danse fut créée pour ce film ?-, gardant ainsi une certaine folie, une fraîcheur, un lâcher prise et l’on rejoint ici le final du roman qui en plus d’inciter à voyager en Crète –à force je vais demander aux éditeurs de me payer des séjours dans les pays que décrivent leurs auteurs- donne envie de revoir le film.


  • Conseillé par
    7 septembre 2014

    Le soleil, le sable, la mer, la montagne, un décor paradisiaque dont Samira est tombée amoureuse au premier regard. C'est là, à Stavros, dans la péninsule d'Akrotiri, qu'elle a choisi de commencer une nouvelle vie, loin de la France où elle a laissé de mauvais souvenirs. Dans ce cadre idyllique qui vit danser Zorba le Grec dans les années 60, elle a rencontré Eleftheris. Ils se sont aimés et se sont mariés. Pendant que son mari pêche, Samira cuisine pour les touristes dans sa petite cantine sur la plage. Ce pourrait être le bonheur si pour l'atteindre elle n'avait pas été obligée de trahir sa meilleure amie Claudie et son mari Fred. Cette trahison, elle l'a cachée au fond de son cœur avec ses remords et ce n'est pas là son seul secret. Témoin du meurtre d'Elios, un restaurateur voisin et ami, elle a gardé le silence. Pour préserver son rêve de bonheur, pour préserver son mari.

    Mais en Crète, comme partout ailleurs en Grèce, les Dieux aiment à tourmenter les hommes et la tragédie n'est jamais bien loin.

    D'abord, il y a la Crète, personnage à part entière du roman. Encore préservée, mais menacée par les promoteurs immobiliers, la péninsule d'Akrotiri offre au regard ses eaux bleues et ses montagnes, une nature intacte avec laquelle Eleftheris et Samira vivent en harmonie. Quand il va mal, le crétois prend son bateau et se laisse ballotter par les flots, ou va errer dans la montagne, plus haut, plus proche des Dieux. S'il forme avec Samira le couple central, autour d'eux gravitent des personnages tout aussi forts. Walter, le chef-opérateur de Zorba le Grec, oscarisé à Hollywwood, allemand établi sur l'île, qui sert sinon de père, du moins de conseiller et d'ami à la française. Yannis, le frère aîné d'Eleftheris, un crétois l'ancienne, viscéralement attaché à son île et à ses traditions, abusant de son droit d'aînesse, violent, arrogant, détestant les touristes. Nadine, la belle belge, l'amie trahie qui évite la plage mais dont l'ombre plane sur le bonheur de Samira, Nadine qui rumine sa rancoeur et pourquoi pas sa vengeance...
    Roman de la trahison, des remords mais aussi du pardon, On aurait dit une femme couchée sur le dos est aussi un hymne à La Crète et à la beauté de ses paysages, que l'on lit avec en fond sonore la musique de Mikis Theodorakis sous l'oeil bienveillant de Zorba. Racontée par le fils de Samira et E, l'histoire de ses parents est surtout le roman de l'amour, doux, entier, parfois tragique. Une très belle découverte.