La louve de Notre-Dame - collection Contes et légendes

Extrait III -

– Ta servante, peut-être plus pour très longtemps ! Je lui ai fait des offres de service, pour me servir moi. Elle hésite encore, mais peut-être plus pour très longtemps. Il y a un autre problème que nous devons régler.

Je lui mis alors le marché en main, mais le bonhomme ne l’entendait pas de cette oreille :

– Gauthier le Bâtard, j’ai encore beaucoup de mal à comprendre les raisons qui ont poussé ma tante Vianne à acter en ta faveur pour le fief de Lasmazères. Ce que je ne comprends pas non plus, c’est pourquoi le bailli de Nérac accepte de donner sa fille à un bâtard. Et avec la bénédiction de ma tante et du Sire d’Albret en plus ! J’ai comme dans l’idée que ta mère a pu apprendre quelques secrets et manipule ma tante et son entourage. Sinon, pour quelle raison Dame Vianne l’aurait-elle emmenée avec elle, à Condom ?

– Jourdain de l’Isle, tu es dans le vrai, il y a un secret. Mais jamais tu ne connaîtras ce secret. Pour ce qui est de notre affaire, tu aurais dû y réfléchir à deux fois avant d’ordonner aux sbires de Harpin Jacquemet d’incendier la chaumière de Manguia, ma chaumière. Et en plus, tu as récidivé. En ce qui concerne le dédommagement, j’ai pris conseil auprès de Jean Philibert : je ne fais que suivre ses recommandations. Ça sera, ou il y aura procès !

L’homme ne répondit pas. Il se leva, balaya les deux cruches et l’écuelle sur la table, bouscula trois chaises et sortit. L’instant d’après, il quittait le château sur son destrier. Puis Flore réapparaissait dans la cuisine :

– Alors, c’est bien vrai, tu m’engages comme servante ? C’est bien ce que tu as dit à Jourdain !

– Flore, j’ai dit ça pour te tirer d’affaire, je n’ai pas encore pris ma décision. C’est assez délicat, pense un peu à ma future épouse. Elle ne mettra pas très longtemps à savoir que toi et moi....

– Mais j’ai juré Gauthier, j’ai juré devant le Tout-Puissant que je te résisterais. Je peux jurer sur la Bible si tu veux, je…

– Flore, je n’ai pas dit non, je dois seulement trouver une solution. Peut-être même me confesser à Éléonore ma future. Oui, elle est peut-être là la solution ?

– Et pour les autres aussi, tu vas te confesser ?
Je ne répondis pas. Les quinze derniers jours de décembre avaient été plutôt éprouvants ; il était temps que ma vie reprenne un cours normal. C’est Guiart, un paysan qui m’affirmait avoir aperçu de gros pieds de sus scrofa filer en direction du bois de Perrine. Avec Vaillance et Diable, je me rendis à l’endroit indiqué. Effectivement, il y avait des allers et des retours. Plus bas dans le pré, quelques boutis, certains vieux, certains plus récents. L’animal, sûrement une bête de plus de deux cents livres, s’était cantonnée sur le secteur. Mais sur le sol pierreux, les pieds marquaient mal. Peut-être un vieux solitaire, mais peut-être aussi une grosse laie prête à mettre bas. Pas question de découpler mes grands fauves de Bretagne sur une laie ! Je décidai d’y retourn