Le diplôme d'octobre

Un conte politique puissant sur les ressorts de la domination politique et la capacité sans limite de récupération de la philosophie par le totalitarisme. Ou comment la tour d'ivoire masque le donjon.
Le nouveau roman de Ludovic Roubaudi, texte littéraire ambitieux, nous plonge dans l'imaginaire et le style de la littérature d'Europe centrale du siècle dernier avec une grande érudition. Mais s'il reconstruit un univers qui évoque l'empire austro-hongrois, le Jeu des Perles de Verre de Hesse, le Château de Kafka ou le Palais des Rêves de Kadaré, c'est d'abord pour mettre en scène une satire résolument moderne de l'idéologie technocratique et multiculturelle européenne.
Ephias Sauertieg, intellectuel de génie mais incapable de tout lien avec le monde réel, cherche à poser les bases d'une civilisation de progrès et d'unité dans cet empire imaginaire qui se construit sur les décombres d'une terrible guerre civile. Mais le sens de son œuvre lui échappe quand Oenigin Tzitsillis, cynique homme de main de l'empereur dont il cherche à asseoir la légitimité, comprend comment il peut en faire un nouveau roman national puis un inarrêtable outil de formatage de la pensée et de répression.
Cette répression, qui aura pour cibles les spécificités culturelles locales, obligera Ephias Sauertieg à descendre de son pied d'estale universitaire, à se confronter à la réalité quotidienne des damnés et à éprouver dans sa chair la violence d'un monde qu'il voulait créer par la seule pensée.