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  • Conseillé par (Libraire)
    9 mai 2022

    BIOGRAPHIE ECLAIRANTE

    La couverture de la BD est un beau clin d’oeil. Pour les plus anciens, elle évoque un achat d’un disque vinyle à la fin des années soixante. Pour les plus jeunes, une image d’histoire de la musique. Un passage piétons, le plus célèbre du monde, dans un quartier nord est de Londres. Sur ces lignes blanches, habituellement, quatre hommes aux cheveux longs traversent à la queue leu leu d’un pas décidé. Les Beatles avec « Abbey Road » viennent de signer l’un des disques les plus importants de la pop music. Cinquante ans plus sur le même passage pour piétons c’est un footballeur, jongleur, qui traverse, vêtu d’un maillot rouge la même avenue. Il est dessiné cette fois-ci et lui aussi a laissé une trace indélébile dans l’histoire, celle du foot. Il s’appelle George Best. Les Beatles pour la musique, George Best pour la chorégraphie.

    Musique, foot, deux socles des passions de Vincent Duluc, l’un des plus grands journalistes de l’Equipe, que Florent le Calvez associe en paraphrasant par le dessin, le titre du livre de l’auteur consacré au footballeur de Manchester United, intitulé Le 5ème Beatles et adapté ici en BD.

    Le parallèle est en effet éclatant entre les chanteurs de Liverpool et le futur Ballon d’Or. Même époque, même origine sociale modeste, même proximité géographique pour eux qui vont suivre « des chemins parallèles dans la difficile gestion du génie, de la gloire et de la vie avec leurs partenaires, jusqu’à ce destin partagé d’une oeuvre bien courte pour marquer tant d’époques. En moins de dix ans, tout serait accompli ou presque ».

    Le scénario de Kris, qui avait déjà raconté une histoire de football, celle d’une équipe d’algériens de France pendant la guerre d’indépendance avec « Un maillot pour l’Algérie », suit méthodiquement le récit de Vincent Duluc. Le style du journaliste est celui d’un véritable écrivain, aussi le texte est très présent dans cette adaptation réussie: le dessin réaliste, sans fioritures et efficace de Florent Calvez n’est là que pour illustrer des mots et une histoire suffisamment forte, celle d’un homme dont on se demande si le patronyme à lui tout seul, « Best » n’est pas trop lourd à porter. Il a le talent, même le génie quand il entre avec les footballeurs aspirants dans l’antre du stade de Liverpool, mais, issu d’une famille modeste de Belfast, il n’a pas les armes personnelles et culturelles pour se construire au même niveau que son talent de footballeur. Plus que l’évocation de ses qualités footballistiques extraordinaires c’est le récit d'une véritable descente aux enfers qui est privilégiée dans cette BD documentée et parfaitement construite.

    Best, qui fut aussi le nom du premier batteur des Beatles, rapidement remplacé par Ringo Starr, comme un clin d’oeil à ce patronyme maudit, avait tout pour lui. Trop probablement quand l’époque commence à aligner des livres sterlings sans compter les zéros, quand le foot devient peu à peu un spectacle générant des sommes colossales. Lorsque l’ère des médias, de la publicité s’empare de l’image d’un beau gosse avide de tout brûler, le gazon comme les voitures ou les femmes, le bord du gouffre n’est pas loin. C’est une époque qui est aussi racontée, une période de misogynie outrancière ou on compte autant, voire plus, les conquêtes féminines que les buts marqués à Manchester. En utilisant sans discernement à outrance les odieux tabloïds anglais George Best, qui offre sa vie privée au plus offrant, préfigure les réseaux sociaux d’aujourd’hui. Les « punchlines » rassemblés en fin d’ouvrage laissent parfois pantois et démontrent comment le footballeur aurait utiliser Tweeter ou Facebook.

    George Best était fait pour jongler dans une rue de Belfast avec une balle de chiffon. Il était fait pour marquer des buts, pas pour les célébrer. Il était fait pour jouer, pas pour devenir un footballeur professionnel. Mais quand on porte le nom de Best, on est condamné à devenir et rester le meilleur, à n’importe quel prix. « Maradona Good, Pelé Better, George BEST » put on lire à ses funérailles. No comment.