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    16 juin 2011

    Dimitri Stakhov. Le retoucheur.

    Heinrich Miller est photographe, comme l'était déjà son père qui opérait pour les services secrets du régime communiste de L'URSS. Particulièrement doué pour la retouche de clichés, il était chargé de supprimer les personnages devenus indésirables pour les dirigeants de l'Etat. A l'époque, disparaître d'une photo officielle se traduisait généralement par mourir. Le vieux photographe a survécu aux vicissitudes de l'Histoire parce qu'il obéissait aux ordres sans jamais poser de questions et parce qu'il était le meilleur retoucheur dans son service.
    Dans la Russie de Poutine, criminogène et corrompue, Heinrich est un photographe au talent reconnu. Il réalise des clichés artistiques de mannequins dénudés. De plus, avec son scalpel il se montre aussi doué pour éliminer un individu de la surface d'un négatif et retoucher les photographies. Son agent Koulaguine lui fournit des commandes qui aboutissent inévitablement à la mort violente des disparus des clichés. Qui sont, derrière Koulaguine, les réels commanditaires d'Heinrich : des mafieux? des services qui ont remplacés le KGB? des ex-communistes devenus capitalistes et hommes politiques?

    Le photographe se sait manipulé par eux. Lorsque Tania surgit dans sa vie, il n'ignore pas qu'elle apparaît pour le contrôler. Mais il l'accepte, Tania ressemble étrangement à son grand amour de jeunesse, Liza.
    Le roman est écrit du point de vue de Heinrich Miller, personnage peu sympathique. Le livre est étrangement construit, loin de notre logique cartésienne. A la manière de poupées russes, s'emboitent des épisodes passés, réels ou imaginés, de la vie de son père, de Liza ou de ses amis. Le récit fait parfois place à des projections mentales, à des visions sorties de l'esprit de Heinrich. Stakhov utilise le flash-back, l'associe au flash-forward et au présent : le temps est déstructuré, ce qui traduit la confusion mentale du héros, sa vision schizophrénique de la société russe actuelle. L'auteur nous donne à voir l'espace à travers les yeux du photographe qui nous décrit souvent les photos, à partir d'un détail, d'un plan rapproché avant d'élargir une partie du champ. Pas de description classique donc des lieux, pas de plans larges descriptifs. C'est l'oeil de Heinrich qui sélectionne les cadres, les angles; il part d'une lumière, d'un détail. Le récit a un côté fantastique. Le retoucheur est persuadé qu'il a un Don pour déclencher de la mort. Il est convaincu qu'il est à l'origine de la fin de ceux qu'il élimine de la surface gélatineuse du négatif. La disparition du visage d'un homme de la surface d'une photographie provoque sa disparition. Cette vision semble partagée par ses commanditaires et c'est pourquoi ils font appel à lui.
    Un ouvrage qui dresse un portrait peu reluisant de la Russie de Poutine et de Medvedev. Un écriture surprenante qui nous laisse jamais respirer. Un roman à découvrir.
    Collection Actes noirs. Actes Suds