Difficile de résumer brièvement un livre d'une telle densité sur une thématique aussi difficile. Sujet d'autant plus difficile qu'il est à la fois tabou et pourtant, hélas, d'une relative banalité.
Le récit juxtapose les espaces (personnels, culturels et littéraires), et les formes narratives (autofiction, monologue, analyse de textes…) pour former un examen détaillé de la sourde brutalité de l'acte incestueux, de ses mécanismes et de ses conséquences ; ainsi qu’une critique du système oppressif qui, sans vraiment valoriser le crime, ne le condamne jamais véritablement. L’entreprise est risquée, le tigre rôde encore et toujours et ne lâche jamais sa proie à jamais marquée de séquelles et d'infamies. Pourtant, jamais Neige Sinno n'hésite à affronter frontalement ses blessures, ses faiblesses, mais aussi ses propres contradictions.
Du propre aveu de l’autrice, l’écriture n’a rien de salvateur ou de thérapeutique : c’est plutôt un réflexe de survie, il s’agit de tenir debout, seule, en proie aux tourments des survivants qui ne quittent véritablement jamais cet “autre lieu”.
L’exploration minutieuse de cet espace tortueux issu de l’inceste et du traumatisme est incontestablement une démarche altruiste de transmission comme en témoignent les moments où le texte et l’autrice nous invitent et nous convient, lectrices et lecteurs, dans le récit comme partie prenante d’un long processus de reconnaissance (à la fois des faits, des paroles et des vécus), jusqu’à nous rendre complice de sa tentative de sabotage de l’édifice du silence et de l’impunité.

- Fabien, libraire

"Vainqueuse" désigne celle qui a vaincu, qui a remporté, non pas la victoire, mais un avantage sur ses rivaux. Ce terme est ici illustré de manière pertinente à travers la vie de Cynisca de Sparte, figure quasi-mythique de la Grèce antique à la vie parsemée de luttes et de doutes.
Partagée entre son désir de gloire et sa volonté de dépasser sa condition à la fois de princesse et de guerrière et de se réapproprier sa destinée, Cynisca devient peu à peu source d'estime, d'inspiration et d'admiration pour toutes les femmes de la cité.
Une manière de rappeler que l'émancipation est un combat permanent, contre les normes, contre les pesantes attentes d'autrui et aussi, et surtout, un combat contre nous-mêmes, nos appréhensions et nos contradictions.

- Fabien, libraire

"Depuis plus de 7 000 ans qu'il y a des hommes et qui dorment, ils le font, au Sahara, à même le sol. Nous ferons comme eux." (T. Monod, Méharées)
Une expérience déroutante pour le jeune Yani, qui à peine arrivé dans le pays d'origine de sa mère, se retrouve embarqué par son grand-père qu'il ne connaît pas pour une transhumance de chameaux à travers l'étendue désertique du pays mauritanien. Au rythme de la caravane, il est alors initié à un riche héritage technique, culturel et familial.
A la fois récit de voyage et d'initiation, le pays de sable est beau roman envoûtant.

- Fabien, libraire

Il y a des histoires qui ont une portée universelle et des mots qui peuvent faire résonner les maux. Parfois les vécus se rencontrent, au détour d'une rue ou d’une page, et de là naît l’empathie. La force de certains récits, tel celui-ci, est de favoriser la reconnaissance de ces histoires, de ces vécus, et des joies et des malheurs qui y sont associés.
Sous la forme d’une quête parsemée de magnifiques portraits en creux, se dessinent 3 personnages féminins qui ont toutes soufferts de la violence d’une monde qui les néglige et les annihile : violences domestiques, violences de guerre, violence du quotidien ou violence de l’absence et du vide que toutes ses situations font naître.
La grande force du livre de Charline Effah est de rendre non seulement visible, dicible et sensible ce qui demeure toujours, hélas, pour paraphraser le livre, un non-évènement. Un tel cri du cœur ne peut que susciter l’enthousiasme !

- Fabien, libraire

Tookie, une jeune femme d'origine amérindienne, a été condamnée à 60 ans d'emprisonnement. 10 ans après, jeune quadragénaire, elle finit par sortir de prison et commence à travailler dans une librairie indépendante à Minneapolis. Un jour, une de ses clientes régulières meurt, et son fantôme commence à hanter la librairie... Le tout alors qu'une pandémie mondiale et le meurtre de George Floyd secouent le pays. Comme toujours avec Louise Erdrich, on aborde le quotidien des natif.ve.s amérincain.e.s, leur quotidien, leurs traditions, le racisme dont ils sont victimes... J'ai adoré ! Le tout est mis en valeur par les grands talents de conteuse de l'immense autrice, qui ne cesse de s'imposer comme une des nouvelles voix de la littérature américaine. Gros coup de cœur !

- Mélany, libraire