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Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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31 mars 2017

C'est un roman qui débute assez tranquillement avec le rapprochement de Romain et Margot et qui tranquillement également installe une ambiance que l'on ne peut pas quitter. Les deux personnages principaux sont dans une phase difficile de leur vie et ça ne va pas en s'arrangeant. Leur complicité qui semble débuter et qui ne s'amplifie jamais vraiment -au moins au début- est un bon ressort dans ce roman. De même pour les retours en arrière sur l'enfance de Romain, jusqu'à l'assassinat de son père alors que Romain a six ans.

Contrairement à ce qu'il y a de noté sur le bandeau de couverture -qui doit sûrement faire référence à l'un des romans précédents-, je n'ai pas trouvé le rythme haletant, et tant mieux. Certes, il y a de l'action, des rebondissements, des tensions. Certes les personnages sont rugueux, bruts et peu loquaces. Néanmoins, le rythme plutôt lent, monte doucement, le romancier prend tout son temps pour accroître le suspense. Il privilégie l'atmosphère au bruit et à la trépidation. C'est très bien fait et ça fonctionne parfaitement, je fus saisi dès les premières lignes jusqu'aux ultimes.

Comprenons-nous bien, j'aime les romans fondés sur le rythme fort du début à la fin (cf. Brutale), mais j'aime aussi ceux dans lesquels l'atmosphère tendue est privilégiée à l'action pure et dure. Et dans ce dernier cas, Jacques Bablon s'impose doucement mais sûrement. Alors, ne comparons pas parce que ce n'est pas mon genre, mais bon un peu quand même, on est plus dans du Simenon qui cherche à comprendre ses héros que dans un film d'action étasunien dans lequel on tire avant de comprendre.

L'auteur qui m'avait habitué à un style mâtiné d'argot change cette fois-ci pour adopter la phrase courte, rapide, peu descriptive et allant droit au but. Un français plus classique qui sied admirablement à Romain et son port un rien aristocratique et à Margot, flicque et mère de famille peu encline à la grossièreté et à la vulgarité. Trait bleu et Rouge écarlate, les deux précédents romans de l'auteur étaient donc plus argotiques en mettant en scène des repris de justice ou des mecs rustiques - vous remarquerez la constante colorée dans les titres. Preuve donc s'il en était besoin que Jacques Bablon se pose en auteur de roman noir avec lequel compter, qui ne réécrit pas toujours le même et qui change de type d'écriture en fonction de ses personnages. Très fort, j'aime beaucoup.

Christopher HOPE

Piranha

17,00
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31 mars 2017

La première référence qui vienne en tête, à peine ce roman débuté et qui reste tout du long jusqu'aux ultimes mot, c'est Candide, de Voltaire. Cette fois-ci, ce Candide moderne et africain cherche le "bon côté de l'Histoire". Il se retrouve dans toutes les guerres civiles, conflits ethniques, révoltes de la décennie 84/94 : du Zimbabwe à l'Ouganda, en passant par la Roumanie et Berlin est au moment de la chute du mur, puis il reviendra en Afrique, du Zaïre au Sierra Leone en passant par le Liberia... Malala le Soviet serait son Pangloss, son maître à penser malgré une théorie bancale, bricolée : "La colère met le feu aux poudres. C'est l'antidote à la maladie, au cynisme et au doute. La fureur enflamme les masses et les projette du bon côté de l'Histoire. La rage est le propergol du lumpenprolétariat." (p.16). Cette rage revient souvent et les deux expressions, "le bon côté de l'Histoire" et celle particulièrement tordue le "propergol du prolétariat" sont les leitmotiv du roman et de Jimfish. Lunamiel serait sa Cunégonde qui subit beaucoup de revers et d'outrages.

Christopher Hope écrit lui aussi un conte philosophique. Il modernise le concept de l'homme coupable de tous les maux de la terre, capable de faire la guerre pour un bout de territoire ou pour des origines différentes. Il part de son pays qui a subi longtemps l'apartheid et qui, dans les années ou Jimfish est parti sur les routes, l'a aboli. L'Afrique du sud a fait l'inverse des autres pays qui se sont déchirés. Certes, tout n'y est pas rose, mais en 1994 lorsque le roman prend fin, Nelson Mandela est élu président, chose impensable pour Jimfish parti depuis seulement dix ans et qui a vu toutes les horreurs possibles, entre Tchernobyl, la fin de la dictature de Ceausescu,...

Malgré tout cela, comme son modèle littéraire, Jimfish est optimiste et le roman est drôle et profond. On sourit, non pas aux descriptions des événements, mais aux réactions de Jimfish, décalées, comme si ce jeune homme optimiste ne trouvait pas sa place dans l'Histoire. Il ne comprend ni la dictature et les morts qu'elle entraîne, ni l'exécution rapide et parfois sommaire des ex-dirigeants devenus opposants. En fait, il ne comprend pas qu'on puisse justifier la mort d'un Homme, même si lui-même devra y recourir, mais je vous laisse découvrir.

La fable de Christopher Hope est tout a fait réussie, un peu longue peut-être sur la fin -comme pour l'éternité selon Woody Allen, ou Franz Kafkha selon les sources- mais il faut dire que la décennie a été particulièrement riche en guerres, coups d'état, catastrophes... La naïveté de son héros permet de lire sans dégoût cette suite d'abominations. Elle permet surtout à l'auteur de montrer que l'Homme aime détruire et se détruire. Elle se lit très facilement et si l'on ne veut pas se jeter dans Voltaire parce qu'il fait un peu peur -à tort, bien sûr-, eh bien, la bonne idée, c'est de débuter par Jimfish, plus accessible, plus moderne et puis de se lancer dans Voltaire, parce que c'est Voltaire tout simplement.

Petite Histoire du Cuivre, le Metal...

Intervalles

22,00
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16 mars 2017

Passionnante et riche cette enquête -sous titrée Petite histoire du cuivre, le métal qui gouverne le monde- qui refait l'histoire du cuivre depuis sa découverte jusqu'à notre usage actuel dans quasiment chacun de nos gestes quotidiens. Le cuivre est présent partout dans nos maisons : tuyaux de plomberie, fils électriques, dans les voitures, parfois dans les pièces de monnaie. Bill Carter fait une sorte de carnet de route, s'arrêtant près de chez lui, dans une ville minière voisine, puis il passe au Mexique, en l'Alaska où un projet de mine pourrait détruire la plus grande réserve mondiale de saumons rouges. A chaque fois, il fait l'historique de la région, de l'exploitation minière locale, des ressources naturelles ; et à chaque fois c'est instructif et très intéressant. Les bénéfices et la demande de cuivre sont tels que tous les coups sont permis. Les mineurs sont exploités, se ruinent véritablement la santé pour leur travail et gagnent leur vie difficilement alors que les exploitants engrangent des sommes considérables les classant parfois parmi les fortunes mondiales les plus grosses. Lorsque certains comme à Cananea au Mexique font grève depuis des années pour garder leur travail, le cynisme et l'inhumanité des patrons donnent des frissons : "Je sais qu'ils finiront par être licenciés, chassés et oubliés, le temps que la compagnie emploie de nouveaux travailleurs pour un salaire moins élevé -sans aucune forme d'assurance maladie- et double ses profits. Je sais cela parce que c'est ainsi que marchent les affaires dans le monde actuel. Les travailleurs n'ont plus l'avantage depuis longtemps et ceux qui l'ont aujourd'hui, ce sont les dirigeants d'entreprise, les actionnaires et les hommes politiques qu'ils manipulent." (p.95)

Le monde marche sur la tête en voulant toujours plus, notre consommation a un coût environnemental et humain qu'on ne mesure pas toujours. Évidemment qu'on n'allume pas la lumière chaque jour en pensant aux mineurs exploités qui ont extrait le cuivre des fils électrique, mais ce livre, comme d'autres permet de se poser des questions, de regarder la réalité du monde et de faire des choix de société. Des élections approchent chez nous, que veut-on pour nos enfants et nous-mêmes ? Est-il souhaitable de continuer ce monde dans lequel on obtient tout ce qu'on veut sur un claquement de doigts, lorsqu'on a la chance de gagner correctement sa vie dans un pays riche ? Doit-on confier le pouvoir à ceux dont on sait qu'ils vont en abuser puisqu'ils profitent déjà très largement du système -qu'ils dénoncent souvent- dans leurs postes actuels ?

Ce bouquin remue plus que certains reportages télévisuels ; le pouvoir des mots, des images que l'on se crée en lisant sont souvent plus forts que les images que l'on nous impose, et Bill Carter sait raconter sans être larmoyant. Il raconte des faits, rapporte des témoignages des gens qui veulent simplement vivre décemment. Au travers de cette enquête sur le cuivre, il écrit un livre profondément humain, il s'intéresse vraiment aux gens qu'il rencontre. C'est fort, un peu long certes, mais c'est un livre à poser et reprendre, parce qu'à chaque chapitre on apprend quelque chose. Merci Intervalles de nous permettre de lire ce genre d'essai a priori pas sexy et absolument passionnant.

Nouvelle

Antonin Crenn

Editions Lunatique

3,00
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16 mars 2017

Antonin Crenn écrit des textes lisibles en ligne -cliquez sur son nom. Ce petit livre est son premier publié. Très court, 10 pages, mais attention, chez Lunatique quand même, une belle maison qui soigne ses parutions. Belle couverture, belle mise en page, même soin apporté à cet ouvrage très fin qu'à un roman plus épais.
Le texte est très beau, un peu mélancolique, des souvenirs d'enfance, comme des périodes heureuses qu'on ne revivra pas, mais il est aussi positif puisque d'autres beaux moments existeront. C'est une nouvelle touchante, tendre, pleine de douceur. L'éveil à la vie, à l'amour, à la rêverie si importante et pourtant délaissée des vies urbaines trépidantes -que j'aime mon rythme de vie qui m'exclut en partie de cette agitation ! Antonin Crenn écrit simplement les choses de la vie, ne bêtifie pas sous prétexte que le narrateur est un jeune garçon. Il y a longtemps que j'ai passé l'adolescence et l'état de jeune adulte -il y a un mot pour cela ?- mais j'aurais pu m'y replonger, que dis-je, je m'y suis replongé avec grand plaisir.
A très court texte, très courte analyse, mais beau livre et juste prix : 3€. Ce serait dommage de s'en priver.

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16 mars 2017

Le plus dur, c'est d'entrer dans ce roman, les dix-quinze premières pages peuvent rebuter. Ensuite, il faut se faire au rythme sans trêve possible. Le texte est dense, sans pause facile, ce qui peut faire reculer un lecteur avec mes habitudes de souvent poser et souvent reprendre un livre. C'est un peu comme quand j'allais courir -ça m'a passé depuis, je rassure mes fidèles lecteurs, j'ai abandonné le sport, ou peut-être bien que c'est lui qui m'a lâché- avec un copain qui ne s'arrêtait jamais alors que moi je voulais m'arrêter souvent... Pour faire le fiérot, je le suivais, mais j'arrivais essoufflé et crevé. Heureusement, le livre est court, à peine 120 pages, ça ressemble plus à un 100 mètres qu'à un marathon.
Une fois que ces deux petits écueils sont notés et passés, on peut se laisser porter par cette histoire étrange et originale, assez loin de ce qu'on lit habituellement. Iosi Havilio est fort, maître de son roman de bout en bout, abordant beaucoup de thèmes en peu de pages. En le lisant, il faut accepter d'entrer dans son monde magique, réaliste, cruel et humaniste, ironique (selon tous les adjectifs que je pique à la quatrième de couverture, mais elle est tellement dans le vrai que je ne peux que m'en servir).

Les digressions de José sont assez nombreuses sur la littérature et la langue russes, sur le jazz, sur son entrée dans l'âge adulte et sa découverte de l'amour et de la sexualité, sur les sectes et les divers gourous qui prennent le pouvoir sur les esprits et les actes de personnes en difficultés dans leurs vies, sur la vie en général, la mort, la paternité, la maternité, la vie de couple... Tout cela est bien vu, pas toujours très fouillé, mais en 120 pages, difficile de faire une enquête sociologique sur chaque sujet. Non, ce qui est intéressant, c'est que José se pose les questions que l'on se pose tous à un moment de sa vie et pour lesquelles il n'y a pas de réponses toutes faites, chacun devant trouver les siennes.

Petite fleur est un roman très bien fait qui m'a agréablement surpris -et j'adore être surpris par un livre- après un démarrage en demi-teinte. En plus, il incite à réécouter la Petite fleur de Sidney Bechet, et tout le reste du jazzman. Il débute ainsi :

"Cette histoire a commencé quand j'étais quelqu'un d'autre, un lundi. Comme chaque matin depuis notre emménagement ici, j'ai enfourché mon vélo et je me suis mis à pédaler. A la sortie du tunnel, le visage battu par le vent puissant du viaduc, j'ai imaginé qu'Antonia ne grandirait jamais."