Fondée en 1927, la librairie Richer met à la disposition de ses clients 95 ans de savoir-faire. Une surface de vente de 1200m2 qui propose un fonds riche en qualité et varié en nombre de références représentant toutes les spécialités de librairie.

Celle que vous croyez

Camille Laurens

Gallimard

  • Conseillé par
    2 mars 2016

    Qui a tué qui ?

    La première partie raconte comment Claire veut séduire avec une fausse identité un homme qu'elle n'a jamais rencontré que sur Facebook. On y interroge le réel et la fiction mais aussi la place de la femme dans l'imaginaire masculin. La deuxième partie est le roman écrit par Claire durant son hospitalisation en HP. Roman lu et interprété par son psychiatre qui devient peu à peu acteur du roman. Je ne raconterai pas la suite, ce serait malhonnête de vous priver de ce plaisir, et plaisir il y a à décrire le désir.

    J'hésite entre dire que c'est une réussite qui m'a, à certains endroits, complètement bluffée (j'ai même recopié quelques passages) et dire que tout cela n'est que coquetterie. Ou même érudition, volonté de mêler poésie, théâtre et citations lacaniennes. C’est assez vite agaçant.

    Réellement, le sujet est d’actualité (les méandres trompeurs de la toile), la cruauté est réelle (comment rester jeune à tout prix pour plaire), l’amour est meurtrier (notamment s’il y a mauvais usage). C’est en fait l’histoire d’une femme qui veut manipuler et qui tombe dans son propre piège, les liaisons dangereuses à l’heure d’Internet et des amours virtuels. Cela dit, à moins qu’il s’agisse d’une expérience personnelle mal vécue, je ne comprends pas pourquoi Camille Laurens s’accroche à cette frontière des 50 ans comme s’il s’agissait de la fin de tout, en termes de séduction, de sexe ou d’énergie !

    Certes, ce récit intimiste à la limite de l’impudique est un beau texte de femme qui réclame son droit au plaisir et refuse d’accepter que l’âge lui interdise cet accès. Plaidoyer essentiel s’il en faut, requiem pour un corps abandonné par l’homme, cri d’alarme d’une femme trompée par un homme immature et égoïste. C’est aussi un suspense psychologique, avec des allers-retours, comme dans un polar, pour répondre à la question « qui a tué qui ? » …

    En résumé, je dirais que Camille Laurens écrit bien et qu’elle sait utiliser le verbe pour séduire son lecteur, ce qui explique l’envie de relire et recopier des passages. Quant au contenu du roman, l’histoire elle-même, je reste sur ma faim, persuadée d’avoir été à mon tour manipulée, ce qui me plaît plutôt bien avec certains auteurs, moins ici, où j’ai le sentiment d’un déséquilibre au niveau de la structure du récit.


  • Conseillé par
    28 février 2016

    Quand l'amour ne joue pas avec le hasard

    Adorer ce roman quand on se méfie des réseaux sociaux, que l’on fuit Facebook et que l'on passe pour un mammouth parce qu'on ne possède pas de compte personnel, et donc ni mur à admirer, ni amis à liker, quel comble! Cette ironie ne devrait pas déplaire à Camille Laurens, elle qui maîtrise parfaitement le fonctionnement de cette plate-forme virtuelle, où se trame l’intrigue de son dernier livre. C'est l'histoire de Claire Millecam, une professeure de littérature comparée. Blonde et fraîchement divorcée, elle a deux enfants, 48 ans, et donc pas encore dépassé « la date de péremption » qui s’abat sur les femmes comme un couperet, à la cinquantaine. La solitude la paralyse. Elle a « besoin d’amour, au moins de le faire, d’en parler, d’y croire ». Et rester sans nouvelle de son amant Joël, dit Jo, la rend dingue.

    Lire la suite de la critique sur le site o n l a l u


  • Conseillé par
    15 février 2016

    Miroir, mon beau miroir...

    L'article de Clara m'avait rendue curieuse mais ce n'est pas sans une certaine appréhension que j'ai commencé le dernier livre de Camille Laurens. Je suis fâchée avec "L'autofiction" et ne me suis toujours pas décidée à acheter "D'après une histoire vraie" de Delphine de Vigan. Le pari était donc risqué... mais gagné. J'ai beaucoup aimé ce roman, exercice littéraire parfois déroutant, empreint cependant d'une réflexion sensible sur la place des femmes qui prennent de l'âge dans notre société.

    La narratrice ou plutôt les narratrices parlent de ce miroir qu'elles contemplent sans cesse pour savoir si elles sont encore désirables. L'angoisse terrible qui suinte de chaque page est le sort réservé aux femmes qui abordent le rivage de la cinquantaine, surtout quand toute leur vie, elles n'ont pu se sentir vivantes que sous le regard appréciateur des hommes.

    " Je porte plainte, je signale ma disparition. Prenez acte de ma mort, fût-ce à la rubrique "Faits divers". Car disparaître de son vivant est une épreuve. On se fond dans le décor, on devient une silhouette, puis rien."

    Une des premières narratrices est Claire, une femme mûre, internée depuis quelques années. Elle raconte, se raconte à un psychiatre. Elle ose dire son amour pour un homme plus jeune, Jo, qui s'est amusée avec elle comme un chat avec une souris. C'est si facile de déstabiliser "une vieille" ! Pour pouvoir "espionner" son amant, elle devient amie sur Facebook avec Chris, le colocataire de Jo. Bien évidemment, elle avance masquée, sous une nouvelle identité, plus jeune, plus attrayante, modelant son personnage au goût de KissChris. Petit à petit, elle est prise à son propre jeu et ce "marivaudage" moderne composé de "J'aime", de commentaires et de messages en Mode Privé finit par empiéter sur sa vraie vie. Cette relation virtuelle, cette incapacité à redevenir ce qu'elle n'est plus, une jeune fille de 24 ans, la mène à une tentative désespérée pour faire coïncider rêve et réalité. Seulement, le miroir est impitoyable, il révèle les rides derrière le fard et Claire perd la raison...

    Camille Laurens,en virtuose de la langue, multiplie les récits, comme les multiples facettes d'un miroir éclaté : enregistrement audio d'une déposition à la gendarmerie, entretiens avec un psychiatre, histoire écrite lors d'un atelier à la clinique, brouillon d'une lettre que Camille L. écrit à son éditeur... Elle multiplie les identités : Claire Millecam, Claire Antunès, Camille Laurens pour mieux nous parler des relations amoureuses, de flirt à l'époque d'Internet, du désir qui devrait se tarir quand les femmes vieillissent.

    Elle mélange les registres de langue, des blagues salaces aux références à Marivaux, un subtil écheveau que le lecteur prend plaisir à démêler. Son goût pour les mots l'emporte peut-être à certains moments trop loin, comme une machine qui tournerait à vide pour le seul plaisir de tourner.

    J'ai adoré la toute fin qui a un aspect "Et à la fin de l'envoi, je touche"qui m'a fait murmurer : Bien joué !

    Un coup de cœur !

    (et c'est un roman français. C'est assez rare sur mon blog pour que je le signale !)



  • Conseillé par
    4 février 2016

    Magistral !

    Agée de quarante-huit ans, professeur de littérature comparée à l’université, divorcée et mère de deux enfants, Claire séjourne en service psychiatrique. Pourquoi est-elle là ? Elle raconte son histoire au psychiatre. Pour surveiller son amant Jo plus jeune qu’elle, Claire s’est créée un profil Facebook où elle a vingt-quatre ans. Son but (par ses activités et ses loisirs) est d’attirer l’attention de Chris photographe sans le sou, ami de Jo qui l’héberge. Chris mord à l’hameçon et Claire pense ainsi surveiller Jo. S’en suivent des commentaires sur des publications jusqu’à des messages privés. Ils se parlent au téléphone, il veut la rencontrer mais elle a toujours une excuse pour éviter le rendez-vous. Sauf que Chris tombe amoureux de la Claire virtuelle et que notre «vraie» Claire a ce garçon dans la peau. Comment faire pour que Chris s’éprenne d’elle et oublie la belle et jeune Claire de Facebook ? Elle prend la fuite pour ainsi dire.

    Mais ce n’est pas tout car par ricochets, le livre se poursuit. On retrouve une Claire internée suivant des ateliers d’écriture dirigée par une certaine Camille, l'histoire écrite par la Claire internée qui raconte une autre version et enfin la lettre d’un auteure prénommée Camille à son éditeur.
    Et c’est absolument brillant ! Entre réel et virtuel, Camille Laurens nous entraîne entre mensonges et vérités. Elle nous trouble, nous déstabilise.

    Puissant, extrêmement bien écrit, avec des réflexions sur l'écriture, alternant humour, des constats sans concession et des surprises, cette lecture aussi addictive qu’un très bon thriller m'a complètement bluffée ! Un roman également sur la condition féminine avec un beau portrait de femme presque quinquagénaire qui ne veut pas taire son désir. Magistral !